6 juin 1944, mon débarquement (le devoir de mémoire) Le jour le plus long, aussi bien vu du côté Allemand que de celui des alliés. Ce n'est pas Band of Brothers ni même le Soldat Ryan! |
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| 5 juin | |
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severlow Admin
Nombre de messages : 1909 Age : 74 Localisation : La Houssaye Loisirs : météo, sciences, maths, histoire Date d'inscription : 17/05/2007
| Sujet: 5 juin Dim 9 Mar - 17:39 | |
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LUNDI 5 JUIN 1944
Matinée sans histoire passée au bureau des Impôts, place du champ de Mars, où, après une sérieuse alerte, je réapparais mettant fin à ma " planque " chez des amis.
L'après-midi, en compagnie de trois camarades, je joue aux cartes dans un appartement situé, derrière la poste, sur l'emplacement actuel du restaurant " La Laitière Normande ". Vers seize heures notre attention est attirée par de violents et très nourris tirs de D.C.A. (défense contre avions) provenant des canons antiaériens disposés sur les miradors de toits des environs de la gare, et sur l'EPS. (école primaire supérieure de jeunes filles), route de Carentan. Les Allemands tirent à vue sur les avions US dont nous apercevons nettement les signes distinctifs. Appuyés à la rambarde de notre fenêtre, nous sommes au spectacle. Nous voyons ces chasseurs bombardiers fondre sur la gare, tirer plusieurs rafales, se redresser au dernier moment puis monter en chandelle faire un grand tour et recommencer l'opération. Comme au cinéma. Pour peu, nous applaudirions nos amis pour leur courage, leur sang-froid et sifflerions les Allemands si maladroits ! Ces aviateurs amis nous confortent dans l'idée que les alliés ne bombardent pas à l'aveuglette comme voudraient nous le faire croire radio et journaux. Décidément, " Radio Paris ment, Radio Paris est Allemand ". Ce sentiment de totale sécurité, de confiance absolue, faillit nous coûter la vie quelques heures plus tard !
23 heures. je suis à la maison lorsqu'un bruit énorme attire la famille vers une fenêtre. Un avion paraissant en difficulté, frôle les toits, il se dirige vers Tessy. Nous apprenons rapidement que ce bombardier s'est abattu vers le pont de Gourfaleur. Plusieurs aviateurs Canadiens y seront retrouvés carbonisés. Affreux spectacle. Pauvres parents !
Avant de m'endormir confiant j'écoute les dernières informations en provenance de Londres. Les messages personnels sont de plus en plus nombreux, la tension monte.
MARDI 6 JUIN 1944 .
Vers cinq heures, je suis réveillé par un bruit sourd, un roulement ininterrompu, une sorte de canonnade un orage lointain, permanent, assorti de lueurs brèves et répétées venant de l'Ouest. Mes parents sont levés. Le diagnostic est rapide et facile : ILS DÉBARQUENT.
Nous ouvrons le poste à galènes. Les messages de ROOSEVELT, CHURCHILL, de GAULLE sont religieusement écoutés et confirment l'événement. Amplifié par l'attente, un sentiment de joie, de bonheur total, de soulagement, mais aussi d'inquiétude m'envahit. Encore quelques heures, quelques jours au plus, et tous les Hitler, leurs valets, les Dufour, de Grotte, vont payer. Notre humiliation touche à sa fin. C'est le plus beau jour de ma vie. Les prisonniers, les tickets, les sirènes d'alarme, les bombardements, la Gestapo, les collabos, l'angoisse permanente... tout va rapidement rentrer dans l'ordre. L'heure de la revanche sonne. Il ne me vient pas à l'esprit que le débarquement puisse échouer. De la fenêtre de notre logement, je jette un coup d'œil en direction de la Feldkommandantur 722 installée à environ 80 mètres de notre appartement, au fond d'une petite place, où débouche la rue Dame Denise. Tout confirme nos informations. Une grande et visible agitation règne à la Kommandantur. De nombreux véhicules militaires y arrivent, repartent Des bagages sont entassés pêle-mêle, fébrilement dans les voitures. Les. femmes allemandes, travaillant à la 722 prennent le large : les " souris grises " nous quittent. Ces préparatifs de fuite me remplissent de joie. La fin tant espérée de cette occupation maudite est en vue. Tout va bien. Pour observer de plus près les évènements je descends au rez de chaussée d'où je vois arriver, à la Kommandantur, une voiture remplie de militaires en tenue kaki, les visages barbouillés de noir, sévèrement gardés par des soldats allemands. Nous devinons qu'il s'agit des premiers prisonniers parachutistes américains conduits à l'interrogatoire. Je tente, le plus discrètement possible, un clin d'oeil dans leur direction pour les assurer, d'une sympathie difficile à exprimer en ce moment. Ils m'apparaissent fatigués, absents. Toute la journée, avec des amis, je parcours la ville pour tenter d'obtenir les derniers " tuyaux " ; écoutant de temps en temps les informations en provenance de Londres. Il s'agit d'observer les Allemands et constater s'ils accélèrent ou non leurs préparatifs de départ. Il est indispensable d'examiner les occupants sans paraître les provoquer tant leur colère pouvait être dangereuse. Les fauves blessés sont redoutables. Au cours de nos " patrouilles ", nous passons devant la prison. Nos amis, enfermés, connaissent-ils la nouvelle ? sans doute. Plus que nous, ils doivent se réjouir et rester cependant très anxieux pour leur avenir immédiat. Aucun avion allemand n'est en vue. À quand l'arrivée des alliés ? On commence à échafauder des projets pour leur accueil... pourvu que tout se passe bien. Cette journée exceptionnellement grisante s'achève. La curiosité, l'anxiété, l'attente, l'impatience, l'espoir, l'inquiétude aussi, l'idée de se trouver au coeur de l'événement, me rendent particulièrement nerveux. Tout se bouscule un peu dans mon esprit. Les nouvelles les plus récentes semblent excellentes.
19 h 30, je monte à l'appartement. Il fait toujours un temps splendide. Je me rase rapidement en attendant le dîner et surtout tes dernières informations. La nuit, passée à écouter la radio, va être longue. Ma mère vient de mettre au four un plat d'œufs au lait. Nous attendons mon père. Revenu de son travail, il discute avec des voisins sur le trottoir, en observant les allées et venues, toujours agitées, des locataires de la 722. Tout à coup, je perçois le bruit assez lointain d'une escadrille, une de plus. De la cuisine, je me précipite vers la fenêtre de la salle à manger pour tenter de la situer. Venant de la direction de Caen, se dirigeant vers Coutances, se découpant dans un ciel d'azur, j'aperçois à bonne hauteur, des avions en formation et remarque, se détachant des appareils, des nuées de petits papiers argentés, vibrionnant, dodelinant, dans le ciel. Je pense immédiatement à une découverte récente des Alliés destinée a gêner la DCA ennemie. Aucune inquiétude. Alors que j'en suis encore à mes constatations rapides et admiratives sur la puissance de l'aviation américaine, une déflagration de fin du monde éclate. J'ai l'impression que tous les carreaux de la maison sont brisés et que la vitrine du restaurant Paulou vient de parvenir au troisième étage. La guerre entre en direct dans notre vie." beaucoudray.free.fr/kommen.htm
Amitiés
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